Anna a 29 ans. Elle cherche du travail et sous-loue un appartement en colocation à Paris, aime aller au musée, au cinéma et prendre des bières en terrasse avec ses amis. Tous les dimanches, elle rend visite à sa grand-mère, en Ephad, à qui elle se confie, et qu'elle écoute. Sa vie se déroule ainsi, sans trop se préoccuper du bruit du monde. Le hasard la fait un jour croiser un cortège. Curieuse, elle l'intègre. Cette première expérience la fait réfléchir et en amène une autre. Elle croise dans cette manifestation Leïla, une amie d'enfance qu'elle avait perdue de vue. Leïla lui avoue s'être éloignée de leur bande d'amis qui ne s'engagent sur rien et ne pensent qu'à leur petit confort. La manifestation dégénère quand la police charge après avoir lancé des grenades lacrymogènes. Elles en échappent de peu. Pour Anna, c'est l'épreuve du feu. Mais bientôt Leïla va lui présenter d'autres manifestantes qui vont l'entraîner encore un peu plus loin dans la contestation... Comment en vient-on à passer le pas, et à sortir dans la rue pour exprimer sa révolte ? À une époque où les raisons de contestation sont multiples - écologie, féminisme, antiracisme, anticapitalisme et justice sociale, droits des migrants, droits LGBT, violences policières - quels peuvent être les événements, les rencontres, les coïncidences et les prises de conscience qui font qu'un individu rejoint une foule en colère ?Le troisième livre d'Hélène Aldeguer, qui signe un récit d'une grande modernité et d'une grande maturité. Le parcours d'une jeune femme qui, intriguée par les contestations régulières qui secouent le pays, va s'engager grâce à la rencontre de plusieurs femmes militantes.
2013. Deux ans après la « Révolution de Jasmin », la Tunisie est en proie à l'instabilité, incapable de se relever économiquement, avec un taux de chômage très élevé, particulièrement chez les jeunes, qui se sentent oubliés. Saif poursuit ses études à Tunis et s'inquiète pour Walid, son jeune frère qui est chez leurs parents, désoeuvré... Aziz travaille dans un centre d'appel pour pouvoir se présenter devant la famille de Meriem, sa fiancée qui poursuit, elle, de brillantes études en droit. Chayma, après avoir assisté à l'immolation d'un jeune homme de 27 ans, songe de plus en plus à partir en France. Tous, ils suivent avec passion les mouvements syndicaux et les appels de la rue qui se multiplient. La rue est en ébullition après l'assassinat du député de gauche Chokri Belaïd car le parti Ennahdha - le parti islamiste gagnant des élections - est accusé d'en être le responsable en ayant laissé prospérer les mouvements radicaux.
Janvier 2016. Bilal, jeune Tunisien, est arrivé à Paris grâce à une bourse au mérite pour poursuivre son master d'histoire contemporaine. Il s'est lié d'amitié avec Ahmed un autre Tunisien et Yann, un Antillais arrivé aussi en métropole pour les études supérieures.
Il rencontre Léa, une jeune parisienne, avec laquelle il se met en couple. Il découvre une nouvelle vie pleine de possibilités : une réussite universitaire, des projections professionnelles, une liberté personnelle et intime, une ville-musée... Mais son statut d'homme arabe le rattrape dans une société française en crise identitaire.
Ses fantasmes d'une « Europe de tous les possibles » se heurtent rapidemment au racisme et aux préjugés. Lorsque le corps noyé de son cousin, resté en Tunisie, est identifié, il est rappelé à sa condition « d'immigré » qui brise la jeunesse « du sud ».
Face à de jeunes européens libres de parcourir le monde, il regarde de loin sa jeune soeur, restée en Tunisie, qui manifeste et survit entre désillusion et enfermement. Sa rancoeur atteint ses relations avec ses amis : accusant d'un côté Ahmed d'être un bourgeois incapable de comprendre les tunisiens qui galèrent, il déverse sur Léa sa colère et sa solitude en la chargeant des travers racistes de la société française. Lorsque sa tristesse éclate, il lui livre ce qu'elle n'avait pu voir ni comprendre.
Le 17 novembre 2013, au cours d'un repas en petit comité organisé à Tel Aviv en présence de François Hollande et de Benjamin Netanyahou, une artiste locale interpréta la chanson de Mike Brant « Laisse-moi t'aimer ». Au moment du toast, le président de la République française se refusa à entonner une chanson. Mais il rendit hommage au Premier ministre israélien : « Pour l'amitié entre Benjamin et moi-même, pour Israël et pour la France, même en chantant aussi mal que je chante - car je chante mal -, j'aurais toujours trouvé un chant d'amour - d'amour pour Israël et pour ses dirigeants. » Cet épisode, passé inaperçu à l'époque est révélateur des relations étonnantes que la France entretient avec Israël et, par conséquent, avec la Palestine. C'est cette relation spéciale, faite d'amours et de haines, de tensions et non-dits, de collusions et d'incompréhensions qu'explorent dans cette bande dessinée le journaliste Alain Gresh, ancien rédacteur en chef du Monde diplomatique et spécialiste reconnu du monde arabe, et Hélène Aldeguer, dessinatrice et illustratrice.
L'ouvrage, qui paraîtra cinquante ans après la guerre des Six-Jours (juin 1967), raconte un demi-siècle de relations franco-israélo-palestiniennes. Il dévoile non seulement comment Paris a joué un rôle diplomatique central dans le conflit israélo-arabe, depuis plusieurs décennies, mais également comment ce conflit est très tôt devenu une « passion française », agitant les milieux politiques, intellectuels, médiatiques, artistiques et militants. Depuis cinquante ans, et plus intensément encore qu'on ne le croit, expliquent les auteurs, la question israélo-palestinienne est au coeur de la société française.
Le travail d'Alain Gresh, scénariste de l'ouvrage s'appuie sur des recherches approfondies dans les archives de la diplomatie française et dans la production des médias hexagonaux (presse écrite, télévision, radio, cinéma, brochures militantes, etc.). Grâce à la documentation exceptionnelle qu'il a rassemblée, ce livre permet de comprendre les grandes étapes des relations que la France entretient à la fois avec Israël et avec la Palestine tout en revenant sur des épisodes oubliés, méconnus, voire inconnus, mais emblématiques de l'amour que la société française entretient avec le Proche-Orient.
L'ouvrage est destiné à la fois aux néophytes et aux connaisseurs. C'est dans le but de s'adresser à un public large et exigeant que les auteurs ont choisi de raconter cette histoire sous forme graphique sans pour autant avoir recours à la fiction (les propos des personnages sont tous authentiques). Et pour bien souligner la « passion française » dont il est question dans le livre et les déchirements nationaux qu'elle ne cesse de provoquer depuis des décennies, la dessinatrice Hélène Aldeguer a choisi de restituer cette histoire en jouant sur les effets saturés et contrastés de trois couleurs symboliques : le bleu, le blanc et le rouge.