À la fin de sa vie, sur l'invitation du roi de France, un maître italien, peintre et architecte, quitte son pays. Accompagné de ses élèves, il fait le long voyage jusqu'à la Loire où il aura sa demeure.
On lui donne une servante.
La relation de cette rencontre, en vérité bouleversante, impossible à cerner dans une formule, est le coeur du roman servi par la prose tendue, insidieuse et dense de Michèle Desbordes qui porte - magistralement - le récit jusqu'à son point d'orgue : la demande.
Cet ouvrage a reçu le prix Flaïano de littérature étrangère 2001, le prix du Roman France-Télévision 1999, le prix du Jury Jean-Giono 1999, ainsi que le prix des Auditeurs de la RTBF 1999.
une vieille femme assise sur une chaise dans un parc.
elle attend. le parc est celui de l'asile de montdevergues, et l'homme qu'elle attend est son frère. il s'appelle paul claudel. elle, donc, serait camille. trente années dans le parc, près d'avignon. présent, passé, tout se mêlerait dans la grande lumière de là-bas, et se rejoindrait. de l'amour et de la beauté. de la haine. de l'abandon. et de ce que c'est que la fin des choses quand, de si près, depuis si longtemps, elle chemine près de vous, silencieuse et poignante.
« Il y aura ce que nous avons été pour les autres, des bribes, des fragments de nous que parfois ils crurent entrevoir.
Il y aura ces rêves de nous qu'ils nourrirent, et nous n'étions jamais les mêmes, nous étions chaque fois ces inconnus magnifiques qu'ils inventaient, ces idées de nous telles des ombres fragiles dans de vieux miroirs oubliés au fond des chambres, et qui ajoutées à nos propres rêves, nos propres et inlassables tentatives de nous-mêmes, composeront durant quelques années encore de la vie sur cette terre cette étrange et brillante, et croirait-on inoubliable mosaïque, où rien ni personne ne permettra de dire vraiment qui nous fûmes. »
Les Petites Terres est un récit d'un seul tenant, tout entier livré à l'évocation d'un amour dont la secrète permanence - au-delà des déchirements, de l'exil et de l'ultime séparation - est la part lumineuse du dernier livre de Michèle Desbordes.
«Ils allaient et venaient le long de la mer, puis allaient trouver les femmes qui les épousaient de leurs corps profonds. Ils parlaient de l'ivresse qu'elles donnaient, comme la mer après des jours, quand plus rien ne cessait de ce qui avait commencé. Le lent, ténébreux remous, les bleus plus sombres qui faisaient l'horizon. Alors ils parlaient de l'oubli. De cette nécessité contre quoi ils disaient ne rien pouvoir.»
Ceci n'est pas un essai. Ce n'est pas non plus un roman.
Sauf à dire que la vie est roman.
Alors, que ce qui se trouve ici en soit un, puisqu'il y est question de ce qu'il fut, lui, William Cuthbert Faulkner et du comté d'Yoknapatawpha où il vécut, et à ce propos, à propos de lui et de ce comté où je me souviens avoir grandi moi aussi, de deux ou trois choses que je peux me rappeler, que je vois bouger doucement dans le lointain, dans ces années que je grandissais.
M.D.
Par-delà le temps, des bords de Loire à ceux du Mississippi, une dyade pourpre se dit dans l'éclatement temporel de cet été de glycine. La beauté, sous nos yeux, alors doublement s'écoule.
artemisia gentileschi, tiepolo, poussin, hölderlin, rilke, katherine mansfield, cendrars : sept portraits d'artistes, des figures empreintes de silence et de solitude, à propos desquelles on retrouve les thèmes et les lieux chers à michèle desbordes - la sensualité, le voyage, le souvenir, la mort, l'atelier du peintre, les fleuves, l'italie.
des textes qu'on lit et relit avec le sentiment à chaque fois plus profond d'une singularité inouïe.
Livre des commencements et du temps qui s'achève, L'Emprise est une confidence poignante, doucement consentie, des éblouissements et des déchirements premiers qui vont rythmer toute une vie. Ce qui, dans la retenue, se dévoile pourtant d'histoires tenues secrètes ne se légitime que de convoquer, à travers ces instants d'absolue félicité ou de désastre, les êtres aimés. Je doute et je trébuche, et mets au panier comme jamais mais je continue, me disant qu'à présent ce serait trop de solitude, trop de séparation. Qu'il me les faut là près de moi encore un temps, qu'un temps encore je sente leur regard, leur haleine, leur tourment dans le jour qui faiblit, qu'encore une fois nous figurions les uns près des autres dans le demi-jour, la lumière indécise, cet endroit du monde où d'un rien parfois on peut vivre ou mourir."
Un soir de neige, un enfant, un petit mulâtre vient trouver une vieille, et lui remet une liasse de lettres et de pages arrachées à des registres. Dans une langue étrange et avec le peu de mots qu'il a, il lui apprend le retour et la mort, tout près d'elle, dans une cabane sur la falaise, d'un fils qu'elle a autrefois envoyé en Amérique. C'est à peine si l'enfant parle, s'il dit ce qu'il a à dire, mais ce qu'il y a à entendre elle l'entend, elle et tous ceux qui cette nuit de neige sont rassemblés autour d'elle dans cette masure des coteaux de Nantes, et qui bientôt racontent, disent ce qu'ils savent. Et l'on se demande au terme de cette histoire d'amour et de soumission, de ces soumissions éperdues où la volonté n'a plus de place, ni le rêve d'une vie, qui donc ici est le véritable narrateur : ce «nous» obscur, immémorial que l'on entend de la première page à la dernière, à la manière d'un choeur antique disant et accompagnant la fatalité. Ou cet enfant dont les silences sont comme autant de paroles, et des plus terribles. En arrière-plan de ce récit nourri des lettres du fils à la mère, et d'une marche à travers l'île aussi longue et obsédante que les années qui suivront, règnent les images silencieuses d'un univers étrange et cruel, celui des plantations du XVIII? siècle, d'une solitude et d'un exil partout présents dans l'oeuvre de Michèle Desbordes. Et comme dans La demande dont ce livre constitue, en une sorte de diptyque, l'exact pendant, un besoin éperdu d'éternité.
" c'est à peine s'ils commentèrent la nouvelle quand ils l'apprirent au village, quand le soir attablés à boire leur anis au café de l'eglise, ils évoquèrent la fin prochaine de celui qu'ils n'avaient jamais aimé [.
].
Il était loin le temps oú lui et sa famille, ceux d'en haut comme nous les appelions, faisaient l'objet de leurs conversations, et ils s'abstinrent de rappeler les vieilles histoires, le mystère qui entoura leur venue dans le pays, ou les années de la guerre et la joie mauvaise qui accompagna peu de temps après ce qu'on apprit de l'histoire de mathilde, la plus jeune des trois filles, ou même le comportement étrange - y aura-t-il jamais d'autre mot ? - de constance, celle qui resta auprès de leur père à la villa.
".
Les deux textes qui constituent le présent recueil sont consacrés à Hölderlin.
Le premier, un court récit, constitue une sorte de portrait du poète. Le second, un long poème narratif, évoque le retour du poète en Allemagne, sa longue marche de Bordeaux à Nürtingen. Deux démarches, deux propos différents, où pourtant l'on retrouve - ou donc commence la poésie, où finit-elle ? - l'écriture si particulière de Michèle Desbordes ainsi que certains des thèmes qui lui sont chers, la fin des choses, la hantise du temps, la lente répétition des jours, la solitude et le silence.
L'inaccompli. Et puis ces personnages qui marchent à n'en pas finir.